Notre duo G&K (Stéphane Guiran et Katarzyna Kot) est né au Domaine de Chaumont-sur-Loire, dans le cadre de la saison d’art 2022. De cette rencontre a germé la volonté de s’engager sur une voie de création commune, en méditant avec la Terre et en proposant un autre regard sur les défis que nous connaissons avec les changements climatiques. Nous envisageons demain comme un nouveau chapitre qui s’ouvre, offrant la possibilité d’imaginer d’autres façons d’être au monde. Les oeuvres, en résonance avec le concept de symbiocène de Glenn Albrecht, naissent de l’écoute de la mémoire et de la fragilité des Grands Vivants de notre planète.
Katarzyna Kot
Les créations de Katarzyna Kot sont empreintes d’un lien profond avec la Terre. Ses Mandalas ou ses Roues de l’Existence sont autant de méditations faites avec le vivant, dans une démarche de connexion avec un Tout qui nous invite à retrouver notre centre.
Née en Pologne et installée depuis plus de vingt ans à Luxembourg, elle a grandi en gardant un lien très intime avec la forêt, qui inspire et habite profondément ses créations. Ses installations tissées de végétaux cueillis dans les bois ouvrent un espace entre sa démarche de sculptrice et sa vision élargie du vivant.
Site internet : www.kokart.lu
Instagram : @katarzynakot_art
Stéphane Guiran
Les installations oniriques de Stéphane Guiran font entrer le public dans un univers sensible où les pierres, les cristaux et tous les matériaux issus de la nature prennent vie. Ils participent avec le public à une chorégraphie qui suscite des émotions profondes. Ses créations sont à la fois plastiques, audiovisuelles, sonores, et littéraires. Elles se construisent comme des narrations, proposent un voyage intime qui invite à une reconnexion à soi, notamment par la place redonnée au rêve et à la poésie.
Site internet : www.guiran.com
Instagram : @stephaneguiran
Faire œuvre du vivant
La mission de l’art n’est pas de copier la nature, mais de l’exprimer.
Honoré de Balzac, Le chef d’œuvre inconnu
Des premiers hommes qui ont cherché à y inscrire une trace, en passant par sa représentation à travers les fresques de la Rome antique ou plus tard les paysages de la Renaissance, la nature s’est depuis toujours invitée dans l’art. À chaque époque sa relation au vivant, jusqu’à une véritable interaction dans la seconde moitié du XXe siècle, que l’on peut attribuer autant aux retombées de la Seconde Guerre mondiale qu’à l’inquiétude montante du dérèglement climatique. Si le duo G & K s’inscrit sans aucun doute dans le courant du Land Art qui s’installe dès cette période, il est intéressant d’observer qu’il aspire à en bouleverser aujourd’hui la pratique, en travaillant ou retravaillant de manière sensible et contemplative cet inestimable support que nous offre la planète.
Mouvement vertueux né à la fin des années 1960 du refus de la marchandisation de l’art qui pointait déjà, l’ « Earthwork » a malheureusement vécu depuis lors quelques dérives quand certains de ces principaux acteurs se sont mis à explorer et exploiter le vivant, plutôt qu’à simplement l’observer et le traiter avec respect. À quelques exceptions près – citons à titre d’exemple le travail de NILS UDO que défend depuis plus de 20 ans la galerie Pierre-Alain Challier - les œuvres les plus célèbres ont demandé de gros moyens tant financiers que matériel et surtout laissé de très nombreuses traces, le plus souvent irréversibles, à la surface de la planète. À noter que c’est l’une des premières contradictions, trop souvent légitimée par la capacité de la nature à reprendre ses droits et son état d’origine. Et certains de ne pas se gêner pour aller jusqu’à la transformer pour faire art, quand d’autres survolaient à grands frais d’hélicoptère il y a encore peu de temps les reliefs de la terre, pour disaient-ils, nous en restituer la beauté.
Pour Stéphane Guiran et Katarzyna Kot, cette forme d’art, ou du moins de distorsion dans la pratique, est définitivement révolue, et il devient aujourd’hui impératif de faire acte d’éco-conscience en renouant un véritable dialogue avec le vivant. Aussi leur pratique passe-t-elle par un acte de résistance poétique qui vient effleurer avec tendresse et une certaine dévotion ceux qu’ils ont choisis de dénommer les « grands vivants », quelques sites terrestres parmi les plus magiques mais aussi les plus fragiles, et que notre grandiloquence humaine conduit depuis plusieurs décennies déjà à une lente disparition. Pour eux pas de répit, et l’urgence est bien réelle de repenser notre façon d’être au monde et de rentrer en contact avec ces fiers glaciers, sublimes barrières de corail, forêts primaires, ou lointains et secrets déserts, qui semblent chaque jour davantage nous lancer de criants appels au secours. Autant de lieux à parcourir autour du globe, autant d’êtres avec lesquels échanger et rêver, mais sans se hâter, et surtout avec le minimum de moyens physiques et matériels dépensés. Il s’agit avant tout de célébration et d’offrande, de quelques instants qui leur sont et nous sont offerts à partager, histoire de nous faire reprendre conscience que le vivre-ensemble est essentiel et constitutif de notre appartenance au monde.
Il est vrai que le regard mais aussi les moyens techniques ont changé, mais c’est avant tout une véritable philosophie que de partir à l’écoute de la terre avec un équipement aussi réduit que possible, crayons et papier, appareil photo, caméra légère, et bien sûr drone, afin de ne laisser après son passage que la douce empreinte de ses pas. Récolter le silence de la nuit et le souffle du vent, « empreinter » aux reliefs, capter les images d’un instant, avant que de ne transformer tous ces trésors en œuvres de nature, en ça se résume l’action et l’interaction de ces marcheurs de rêve, à la simple quête de performances contemplatives. Art animiste, convocation du geste et de l’esprit à l’égard des « grands vivants », l’aventure de ce nouveau duo ne fait que commencer qui nous promet un voyage à l’intérieur de nous-mêmes tel un inévitable retour à la source, une belle incitation à changer le regard que nous portons depuis trop longtemps sur le monde.
Jean-Mac Dimanche, Commissaire