La forêt qui murmure

“ Voilà des mois que nous nous préparons. Depuis près de deux années, nous venons et revenons découvrir les visages de la forêt. Sous plusieurs lumières, sous différentes saisons. Il nous restait l’automne à découvrir. Nous sommes partis aux premières lueurs de septembre marcher sur les braises de l’été, à l’heure intime où deux saisons se préparent à se croiser sur le seuil de l’année, l’une sortant avec ses feuilles repues de soleil, l’autre entrant avec ses brumes et ses pinceaux fauves, sa toile d’humus et ses pigments rouges pour une dernière envolée avant le silence blanc de l’hiver.

La forêt de Bialowieza est pour nous un Grand Vivant. Un Ancien que l’on vient interroger quand on a besoin de sonder la mémoire du Monde. La méditation et la pratique de l’art nous ont appris cela. Nous ressentons les lieux comme des Êtres. Des Êtres-lieux. De cette liberté est née une conception personnelle de la vie : Nous percevons ces Grands Vivants comme les dépositaires d’une mémoire qui nous souffle d’autres façons d’être. Ils infléchissent nos certitudes, nous transforment, nous font grandir. Ils forment avec tous les vivants qui les composent une conscience unifiée dont les dimensions nous dépassent, qui parle une langue qu’il nous appartient d’apprendre. Nous avons appelé cela des murmures. Nous sommes donc partis dans cette forêt unique pour cueillir quelques murmures, et tenter par nos créations d’en monter le son, de les mettre en résonnance pour que l’inaudible prenne corps. Afin d’interroger demain et de nourrir d’autres futurs possibles. D’apprendre qui nous sommes et comment réparer notre lien au vivant.

En partant, nous voulions également nous engager pour contribuer à protéger ce Grand Vivant. Nous avions obtenu le soutien de la Fondation Lemarchand pour réaliser avec le scientifique Benjamin Allegrini et son laboratoire Spygen, spécialisé en ADN environnemental, une première cartographie ADNe de l’ensemble du vivant d’une forêt primaire européenne. En réalisant nous-mêmes les prélèvements d’eau dans la forêt, nous rendions possible la naissance de cette cartographie. Cela allait permettre de mieux connaître et donc protéger la biodiversité de cette forêt, et servir de référence pour les forêts secondaires d’Europe qui cherchent à retrouver un caractère primaire.

C’est ainsi qu’aux premières lueurs de septembre nous avons pris la route depuis la Haute Savoie avec le matériel de Spygen et notre camion rempli d’épuisettes à murmures et de rêves à dessiner...”

Extrait du portrait sur Bialowieza
à paraitre dans le hors série “Forêts”
de Terre Sauvage Magazine, au printemps 2025.

La forêt primaire de Bialowieza est le point de départ de notre nouvelle création. Elle s’appelle La forêt qui murmure et sera à la rencontre de la nature, de la science, de l’art, du rituel, du social, avec comme approche la réparation, la quête de sens, le chemin intérieur. Nous sommes animés par l’idée que la relation à un Grand Vivant permet de découvrir des ressources en soi, d’apprendre à élargir ce que nous sommes, de redonner une profondeur à nos vies. Notre acte poétique rend hommage à ce que la forêt et certains humains arrivent à faire en s’unissant. Il s’inscrit dans ce que le philosophe Glenn Albrecht nomme le Symbiocène.

Cette création sera à découvrir à partir du 29 mars 2025 au Domaine de Chaumont-sur-Loire, dans le cadre de sa saison d’art. Elle consistera en une installation immersive, co-créée avec le collectif Isotone Studio (Montréal), un film documentaire, et une série de photographies et dessins.

Plus d’informations prochainement…